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Le Tsar Alexander Popov 

Aleksandr Popov naît le 16 novembre 1971 à Sverdlovsk. Il passe son enfance à Lesnoï où à l’âge de six ans, il découvre l’eau lors de séances d’initiation à la piscine du quartier. Quelques mois plus tard, son père le pousse vers de vrais cours de natation, à cause notamment de ses problèmes de pneumonie. C’est devant la télévision avec les JO de Moscou en 1980 que Popov finit par s’enthousiasmer de la natation. Après des premiers résultats probant, il est repéré par l’entraîneur soviétique réputé Gennadi Touretski. A l’époque, il fallait un sprinteur soviétique capable de détrôner l’Américain Matt Biondi, double champion olympique sur 50 et 100 m à Séoul et recordman du monde sur ces distances. Popov devra remplir ce rôle.

En septembre 1990, on propose finalement au jeune Popov de rejoindre le groupe de Gennadi Touretski, ce qui équivaut à une vraie promotion, mais il doit se spécialiser dans la nage libre. Popov le trouvant dans un premier temps déroutant, il entretiendra par la suite une réelle amitié avec son entraineur.

Dans la cour des grands

À l’été 1991, Alexander Popov a dix-neuf ans et fait partie de l’équipe soviétique lors de l’Euro à Athènes. Il se fait un nom sur la scène européenne en remportant la médaille d’or sur le 100 m nage libre (avec à la clé un record d’Europe égalé) mais aussi avec les relais soviétiques sur 4 × 100 m libre et 4 × 100 m 4 nages.

L’année suivante : les Jeux olympiques de Barcelone, sa première véritable échéance. En raison de la dissolution de l’URSS en 1991, une « Équipe unifiée » est créée, regroupant douze des quinze anciennes républiques soviétiques, dont la Russie. L’Américain Matt Biondi est favori sur la course reine, le 100 m libre Popov réalise le meilleur temps lors des séries et se voit donc octroyer la ligne d’eau centrale. En finale, Popov s’impose en 49 s 02 devant le Brésilien Gustavo Borges et le Français Stéphane Caron. Biondi termine seulement cinquième. En finale du 50mNL, il surclasse les deux Américains Biondi et Jager, avec un nouveau record d’Europe à la clé (21 s 91). Alexander Popov réalise ainsi le doublé olympique pour sa première participation, alors qu’il n’a que vingt ans. Il obtient par ailleurs deux médailles d’argent sur les relais, l’Équipe unifiée s’inclinant deux fois face aux États-Unis.

Face à ces succès, Touretski est engagé en Australie et ne tarde pas à inviter Popov à le rejoindre en Australie. Il accepte sans hésiter, tout en gardant sa nationalité russe.

Comme dans un fleuve tranquille

Les quatre années suivantes voient Alexander Popov maintenir une domination totale sur le sprint mondial. De 1993 à 1996, il reste invaincu en grande compétition sur ses distances de prédilection, le 50 et le 100 m libre que ce soit à l’Euro 93 à Sheffield, en 1994 aux mondiaux en petit bassin mais aussi en grand bassin à Rome (battant aux passages à plusieurs reprises le record du monde du 100m NL, l’abaissant à 46s74 en petit bassin et à 48s21 en grand bassin) et enfin à l’Euro 95 à Vienne en trustant également les 1ère places sur les deux relais. C’est à cette époque que commence la rivalité entre Alexander Popov et Gary Hall Jr, son dauphin lors des Mondiaux 94 à Rome.

La confirmation !

Alexander Popov est le grand favori des Jeux olympiques d’Atlanta de 1996. Lors de la finale du 100 m nage libre, la course reine. La rivalité entre Popov et Hall est palpable à l’annonce des nageurs : l’Américain, qui ignore complètement le Russe, galvanise la foule en boxant dans le vide, l’air décontracté, avant que son adversaire ne le gratifie d’un regard appuyé. Au terme d’une course très serrée, Popov finit par l’emporter sur Hall. Un jeune Néerlandais de dix-huit ans atteint la quatrième place de la finale, à plus d’une seconde du vainqueur : Pieter van den Hoogenband. Sur le 50 m libre, Popov s’impose une nouvelle fois sur Gary Hall Jr. et réalise un « double doublé » historique. La presse compare ainsi Popov à « Tarzan », en référence à Johnny Weissmuller qui avait remporté deux fois le titre olympique du 100 m libre en 1924 et en 1928.

Les Jeux d’Atlanta ont également vu une petite révolution se dérouler au sein du Comité international olympique (CIO). En effet, une quinzaine d’athlètes a été désignée comme déléguée pour représenter leurs pairs lors de commissions. Popov en fait partie.

L’accident immanquable

De retour à Moscou pour une reception présidentielle, Popov et sa fiancée Dasha se promènent dans les rues en soirée, en compagnie de son hébergeur et d’une autre femme. Une bagarre avec des marchands de pastèques azerbaïdjanais éclate. Popov essaye de s’interposer et se fait poignarder dans l’abdomen. Les trois marchands reviennent à la charge à coups de barres à mine puis finissent par prendre la fuite. Deux ont été arrêtés et emprisonnés mais l’auteur des coups de poignard n’a jamais été retrouvé.

Popov et ses compagnons se rendent aux urgences. Bilan : beaucoup de sang perdu à cause d’une hémorragie interne, diaphragme percé, et une artère sectionnée. Le chirurgien en service, décide de ne pas retirer les organes abîmés (un muscle et le rein gauche), contrairement à la procédure. Après trois heures, l’intervention se révèle un succès. Plus tard, Popov est transféré à l’hôpital du Kremlin sur demande du 1er Ministre Tchernomyrdine. Il y reçoit des lettres d’encouragement du monde entier ; son rival Gary Hall Jr. lui aurait pour sa part envoyé une poupée tenant dans la main une pastèque et dans l’autre un couteau. Il retourne ensuite en Australie, cette fois accompagné de sa fiancée — pour qu’ils vivent ensemble —, afin d’entamer sa rééducation. Arrivé là, il offre sa médaille d’or du 100 m d’Atlanta à son entraîneur en guise de remerciement.

Son grand retour

Popov reprend progressivement l’entraînement. A ses côtés se trouvent le jeune espoir australien Michael Klim, surnommé « Lumpy » (grassouillet), lui aussi dans le groupe de Gennadi Touretski. La vie personnelle de Popov est également quelque peu chamboulée puisqu’il se marie avec sa fiancée et que celle-ci attend un enfant.

Popov enchaîne les meetings pour sa préparation et se présente finalement à l’Euro 97 à Séville, son premier vrai test un an après son agression à Moscou. Pourtant, personne ne peut rien faire contre le Russe qui remporte un troisième quadruplé européen consécutif : sur 50 m et 100 m nage libre, et sur les relais 4 × 100 m nage libre et 4 × 100 m 4 nages.

Popov, rassuré, doit toutefois gérer quelques difficultés : sa paternité récente à concilier avec les entraînements, mais aussi l’absence de Touretski, accaparé par les nageurs locaux qui veulent réussir leurs championnats, en particulier Michael Klim.

A Perth lors des Mondiaux en 1998,  le Russe remporte le 100 m devant Klim, avec un temps sous les 49 secondes (48 s 93). Cependant, sur le 50 m, il effectue un très mauvais départ et n’atteint que la seconde place, derrière l’Américain Bill Pilczuk. Il obtient enfin une médaille de bronze avec le relais russe sur le 4 × 100 m nage libre.

Ses premières déceptions

Durant l’Euro 99 à Istanbul, il subit la première défaite de sa carrière sur 100 m en grande compétition. Il se fait en effet prendre son titre par le Néerlandais Pieter van den Hoogenband dit « VDH ». Ensuite, il n’atteint que la troisième place sur 50 m en 22 s 32, derrière Lorenzo Vismara (22 s 21) et le vainqueur VDH (22 s 06). Les relais russes perdent aussi leurs titres sur 4 × 100 libre (médaille d’argent) et 4 × 100 4 nages (médaille de bronze). Ceci met fin à l’hégémonie de Popov et de son équipe aux championnats d’Europe, qui durait depuis 1991.

A Moscou lors des sélections olympiques pour Sydney 2000, il demande aux organisateurs la possibilité de tenter un record du monde, lors d’un 50 m hors compétition. Il demande aussi à ce que les lignes d’eau adjacentes à la sienne soient laissées libres, pour éviter que ses voisins ne le ralentissent. La course a lieu et Popov bat le record du monde en 21 s 64. Ce record ne sera battu qu’en 2008 par l’Australien Eamon Sullivan.

Dans la foulée des sélections, Popov participe à l’Euro à Helsinki. Même sans les avoir spécialement préparés, il y réalise le sans faute : il domine VDH sur 50 et 100 m libre, dans des temps respectivement de 21 s 95 et 48 s 91. Il gagne aussi le 4 × 100m NL et le 4 × 100m 4 nages avec les relais russes.

Un temps d’arrêt

Les Jeux olympiques de Sydney vont commencer. Popov cherche à remporter le titre olympique pour la troisième fois consécutive, performance alors uniquement réalisée par les nageuses Dawn Fraser (sur 100 m libre en 1956, 1960, et 1964) et Krisztina Egerszegi (sur 200 m dos en 1988, 1992, et 1996). En 2000, le paysage de la natation a bien changé, avec la généralisation des combinaisons. Censées gainer les muscles et procurer de meilleures sensations aux nageurs qui les portent, rares sont ceux qui n’en sont pas équipés pour ces Jeux. Popov, lui, a décidé de continuer à nager avec le traditionnel slip de bain, ne se sentant pas à l’aise dans les combinaisons qui compriment le corps des nageurs.

Au 100 m nage libre en demi-finale, il nage en 48 s 84 et atteint la deuxième place, derrière Michael Klim en 48 s 80. Sorti de l’eau, il assiste à l’autre demi-finale et voit le Néerlandais VDH pulvériser le record du monde du 100 m que Klim venait juste d’établir lors du relais : VDH réalise un temps de 47 s 84 et devient le premier nageur de l’histoire à descendre sous les 48 secondes. La finale arrive et VDH l’emporte devant Popov qui obtient la médaille d’argent. Gary Hall Jr. complète le podium avec seulement un centième d’avance sur Michael Klim. Popov échoue ainsi dans sa tentative de triplé olympique du 100 m. Reste à nager le 50 m, mais le Russe ne se fait pas d’illusions. Il atteint la sixième place, dans une course remportée par son rival Gary Hall Jr. ex-aequo avec son compatriote Anthony Ervin.

À la fin de la compétition, l’heure est au bilan. Popov explique cet échec par le manque de compétition juste avant les Jeux, ce qui a peu à peu dégradé sa condition physique, ainsi que par l’absence de son entraîneur pris par ses obligations dans l’équipe australienne. Popov plaisante en interview en déclarant qu’il va « se punir en continuant jusqu’aux Jeux d’Athènes. » En fait, il n’a jamais vraiment envisagé d’arrêter sa carrière à l’issue des Jeux de Sydney, de crainte qu’un arrêt aussi brutal soit néfaste à sa santé.

Par la suite, il doit déclarer forfait pour les championnats du monde 2001 à Fukuoka à cause d’une infection à la gorge. 2001 est sa première saison vierge de sa carrière internationale où il ne remporte aucune médaille.

Un retour en trombe

Alexander Popov ne reprend la compétition qu’en avril 2002 à l’occasion des championnats du monde petit bassin, à Moscou. Popov est peu habitué à participer aux compétitions en petit bassin, mais celle-ci est particulière puisqu’elle se déroule dans son pays natal. Sur place, il remporte la médaille de bronze sur 50 m libre ex-aequo avec Olexander Volinets, derrière l’Argentin José Meolans et le Britannique Mark Foster. Il termine aussi à la troisième place du relais 4 × 100 m libre avec l’équipe russe.

A l’Euro 2002 à Berlin, en grand bassin cette fois, et y remporte deux médailles : une médaille d’argent sur 100 m libre où il est une nouvelle fois dominé par VDH (auteur d’un très bon 47 s 86, à seulement deux centièmes de son record du monde), et une médaille d’or sur le relais 4 × 100 m 4 nages. Il termine cinquième sur 50 m nage libre.

Gennadi Touretski est limogé de l’équipe Australienne, pour cause de comportement jugé inacceptable lors d’un vol entre Singapour et Sydney. Touretski s’engage avec la fédération suisse de natation. Alex Popov le suit, d’une part pour se rapprocher du CIO à Lausanne et arrêter les aller-retours incessants, et d’autre part car il envisage de se reconvertir pour son sponsor suisse une fois sa carrière terminée.

Un dernier tour de tapis rouge

Lors du mondial 2003 à Barcelone, Popov commence sa compétition par la première médaille d’or mondiale de sa carrière sur le relais 4 × 100 m nage libre.  Les Américains et les Australiens de Ian Thorpe, habituellement favoris, sont relégués respectivement à la seconde et à la quatrième place. En finale du 100m NL, Popov montre qu’il est bien monté en puissance en nageant encore plus vite : il gagne la course en 48 s 42 devant un VDH qui avait pourtant réussi 48 s 39 la veille. Le prodige australien Ian Thorpe complète le podium. Popov remporte la médaille d’or sur 50 m libre devant Mark Foster et VDH. Très fair-play, le Néerlandais n’est pas dérangé d’être battu par Popov, il le respecte tellement. Ce respect mutuel entre les deux nageurs contraste beaucoup avec la rivalité qui régnait entre Popov et Gary Hall Jr. dans les années 1990.

Popov conclut ces Mondiaux avec une médaille d’argent sur le relais 4 × 100 m 4 nages. Alexander Popov ajoute ainsi trois nouveaux titres de champion du monde à son palmarès, malgré un âge avancé dans un sport où les plus jeunes peuvent émerger dès 14-15 ans au plus haut niveau. Il devient de fait à 31 ans et 253 jours le plus vieux champion du monde de l’histoire, record battu en 2005 par l’Allemand Mark Warnecke et ses 35 ans.

Une fin chaotique

Arrivent enfin les Jeux olympiques d’Athènes en 2004, quatrièmes Jeux consécutifs d’Alexander Popov et ultime compétition de sa longue carrière. Mais il n’obtient le huitième temps des séries du 100 m nage libre avec 49 s 51. Il se fait ensuite éliminer aux portes de la finale, en nageant 49 s 23 ; la dernière place qualificative ayant été gagnée par Ian Thorpe pour seulement deux centièmes de seconde. VDH remporte le titre olympique du 100 m, pour la deuxième fois consécutive comme l’on déjà fait avant lui Popov, Johnny Weissmuller et Duke Kahanamoku. Les séries du 50 m sont anecdotiques, où « le Tsar » ne peut faire mieux que 22s 58, temps insuffisant pour atteindre les demi-finales. C’est son ancien rival Gary Hall Jr. qui remporte le titre olympique de l’épreuve. Popov termine donc ses derniers Jeux sans médaille, des Jeux qui ont vu l’émergence de l’Américain Michael Phelps et ses six médailles d’or.

En Bref …

La réussite de Popov durant toute sa carrière est dû notamment à son style de nage qui repose sur l’opposition complète des bras : un bras achève sa phase de pénétration dans l’eau (à l’avant) à l’instant où l’autre ressort (à l’arrière). Touretski estime que ce qui a permis à son nageur de dominer le sprint durant très longtemps est sa capacité à nager la seconde longueur d’un 100 m en dessous des 25 secondes. Popov appliquait ce que Johnny Weissmuller avançait déjà dans les années 1920 : « Le grand secret pour avoir du succès en sprint est le relâchement à vitesse maximale ».

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