Murray Rose, la Classe Australienne
Murray Rose naît à Nairn en Ecosse le 6 janvier 1939. Ses parents pressentant le début de la Deuxième Guerre Mondiale décident de migrer en Australie. C’est donc un peu par accident que Murray devint Australien. C’est à Sydney sur le rivage du Pacifique qu’il patauge dès son plus jeune âge pour commencer à nager dès l’âge de 5 ans en compagnie de Richard Eve, ancien champion olympique de Plongeon à Paris en 1924. Deux ans plus tard, vu l’enthousiasme qu’a le petit Murray Rose pour la Natation, ses parents l’amenèrent à un coach local, Sam Herford, ancien boxeur, mais assez connaisseur pour deviner le fort potentiel qu’a Murray à gravir les échelons jusqu’au sommet. C’est aussi lui, Sam Herford qui formera d’ailleurs un autre grand nageur en devenir : John Devitt. C’est le Coach Herford qui aidera Murray à peaufiner sa technique particulière, mêlant puissance, relâchement et fouettement de jambes.
Une ascension fulgurente
Dès ses 16 ans, en 1955, Murray effectua une percée spectaculaire, battant les records des catégories jeunes, puis le record d’Australie du 400m NL pour arriver à battre le record du monde de la distance jusque-là détenu par le Français Jean Boiteux aux JO d’Helsinki en 4’27’’ deux mois seulement avant les JO de Melbourne fin 1956. Il bat aussi le record du monde du 1500m NL en 17’59’’5 devenant le premier nageur à passer sous la barre des 18’. Une longue distance que Murray Rose ne pouvait nager jusqu’à récemment, à cause d’une névralgie du diaphragme qui fut guéri à l’issue d’une séance d’hypnotisme.
Et voilà qu’arrivent la grande échéance tant attendue pour Murray : ses premières Olympiades qui se déroulent dans son pays, l’Australie, à Melbourne plus exactement en décembre 1956 …
Tapis rouge aux JO de 1956
Donc aux JO de Melbourne, Murray Rose se retrouve sans réel rival sur le 400m NL. Le champion olympique en titre Jean Boiteux n’étant plus que l’ombre de lui-même, il termine même avec plus de 4 secondes d’avance sur son poursuivant, le Japonais Tsuyoshi Yamanaka en 4’27’’3. Sur le 1500m NL, ce fut plus serré. L’Américain McBreen et encore le Japonais Yamanaka fut ses principaux dangers. Mais malgré une bonne performance en série, McBreen fut à la dérive en finale, par contre Yamanaka tint le choux à Murray Rose jusqu’au bout du 1500m. Mais c’est Murray qui eut le dernier mot avec une avance d’à peine un peu plus d’une seconde. Il complète sa collection de médaille avec une 3ème en or avec le relais du 4x200m NL. Murray est alors au sommet de sa gloire, devenant le plus jeune triple champion olympique de l’Histoire des Jeux. Il est même élevé au rang de Héros National, d’autant plus que pour commémorer les 15 ans de l’attaque de Pearl Harbour par l’armée japonaise, il était plus que bienvenu qu’un nageur Australien batte, à deux reprises même, un nageur Japonais !
Migration aux Etats Unis
Courant 1957, faute de pouvoir trouver en Australie des possibilités de nager et de faire des études dans de bonnes conditions, Murray Rose, arrivé à la majorité, migre avec ses Parents aux Etats Unis, à Los Angeles où il sera coaché par Peter Daland au sein de l’Université de Californie du Sud, avec la promesse qu’il pourra continuer de suivre son régime alimentaire végétalien. Un seul autre nageur Australien était venu signé avant lui dans une Université Américaine, il s’agissait de John Marshall en 1948. Là, toutes les Universités Américaines se disputaient pour avoir Rose. Murray choisit Los Angeles et l’Université de Californie du Sud surtout pour y prendre des cours de théâtre, pensant à une éventuelle carrière d’acteur dans la cité des Anges par la suite. Il sera rejoint par le champion olympique Australien du 100m NL Jon Henricks. Courant 1958, Murray continua à abaisser les records du monde des 400m et 1500m NL. Mais à partir de 1959, le duel entre son compatriote John Konrads le Japonais Yamanaka fit chuter en cascade les records du monde des 200m et 400m NL et Murray paraissait largué.
Balbutiements pour les JO de Rome
Mais poussé par l’opinion de son entraîneur d’origine, Sam Herford, qui fait front à l’avis général, Murray décide quand même de participer aux JO de Rome. Il achève son semestre à l’Université à Los Angeles en mai 1960 et repart en Australie s’entraîner avec Don Talbot, l’entraîneur de Jon Konrads. Des séances de musculation sont au programme de la préparation olympique, qui n’est pas forcément une bonne chose pour Murray Rose. Cela lui fera prendre du poids et affectera sa position dans l’eau, sa technique, son relâchement et son endurance. On essaya de rectifier le tir mais lorsque les Jeux Olympiques de Rome débutèrent, Rose était encore bien trop lourd.
Tel le meilleur compétiteur du monde, Murray reste zen, droit dans ses bottes et entièrement concentré sur son objectif. A la finale du 400m NL, c’est bien lui, Murray Rose qui triomphe de Konrads, Yamanaka et de l’Américain Sommers dans une course qui reste encore aujourd’hui anthologique. Murray devient alors le seul à avoir conserver son titre olympique sur le 400m NL avant que Ian Thorpe ne réédite l’exploit 44 ans plus tard lors des JO d’Athènes en 2004. Par contre, sur le 1500m NL, sa surabondance musculaire lui fera défaut et lui coûtera le titre où il ne pourra battre Konrads, se contentant de la médaille d’argent. Murray repartira de Rome avec une autre médaille, de bronze cette fois-ci sur le Relais 4x200m NL. L’absence de taille d’un coéquipier, Jon Henricks sera pesante. On dit qu’il était malade mais en fait trop occupé par sa vie amoureuse. Henricks se maria en effet en secret à Rome avec sa fiancée américaine.
Rebelion qui lui coûte sa participation aux JO de Tokyo
La suite de la carrière de Murray sera moins « rose ». En 1961 aux Championnats des Etats-Unis, le Japonais Yamanaka qui s’était fait la promesse de battre Murray Rose avant de mourir sera satisfait en lui affligeant deux défaites sur les 200m et 400m NL. Murray lâcha un peu du lest sur la Natation et consacra plus de temps au théâtre au sein de son Université.
Mais lors des championnats des Etats Unis en 1962 il fut battu par un jeune guerrier du water-polo sur toutes les distances, Roy Saari. Murray se reprit en main, perdit du poids et se remit en condition pour réaliser sa meilleure année depuis longtemps : 4 titres aux Jeux du Commonwealth, il effaça les records mondiaux de Konrads sur les 400 et 800m et alla même égaler le record du monde du 200m NL détenu par Yamanaka et le nouveau venu l’Américain Don Schollander. Mais cet élan sera coupé lorsqu’en 1963, Murray Rose, jeune marié et avec le diplôme d’art dramatique et des médias télévisuels en poche, décida de s’imposer dans une carrière d’acteur. Il prit donc une année sabbatique niveau compétition de Natation et décrocha un rôle dans un film de Surf « Ride the Wild Surf ». Le tournage se déroula à Hawaii en février 1964, à la même période que les Championnats d’Australie … Le soucis c’est que la Fédération Australienne de Natation, voulant donner plus d’importance à ses championnats Nationaux, décida de les rendre impératives dans le processus de sélection pour les JO de Tokyo qui se dérouleront quelques mois plus tard. Ceux qui ne participent pas aux Championnats d’Australie ne pourront participer aux « vrais » trial qui aura lieu en septembre 1964, soit juste avant les JO. A l’été 1964, Murray participe aux championnats des Etats Unis où il est toujours dominateur sur le 1500m NL mais moins sur le 400m, désormais voué à l’intouchable Schollander, futur multiple champion Olympique à Tokyo. Mais la Fédération Australienne se montre intraitable. Murray ne pourra participer aux Sélections Olympiques, alors qu’il aurait pu jouer les premiers rôles sur ses distances de prédilection. Bon nombre de nageuses et nageurs Australiens, Dawn Fraser en tête, s’insurgeront contre cette décision jugée « dégoutante ». Murray Rose aurait pu enchaîner ses troisièmes olympiades d’affilée remplies de succès tout comme le fera sa compatriote Dawn Fraser.
Murray Rose en bref …
Et c’est ainsi que finit la carrière sportive d’un des plus grands nageurs de l’Histoire. Murray Rose se tourna définitivement dans le cinéma, décrochant un autre rôle dans « Ice Station Zebra » en 1968 mais sa carrière d’acteur ne décollera jamais vraiment et se conclut par un échec.
Il demeure trente ans aux États-Unis, où il devient consultant sportif pour la chaîne de télévision ABC, puis responsable du marketing et vice-président du stade de l’équipe de basket-ball des Lakers de Los Angeles. Murray ne rentre en Australie que dans le courant des années 1990 où il intègrera l’association The Rainbow Club dont il deviendra président et donnera des cours de natation à des enfants handicapés. Il est nommé Membre de l’Ordre d’Australie pour services à la natation et reçoit la médaille australienne des Sports en 2000. La même année, il figure parmi les huit porte-drapeaux olympiques lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’été de 2000 à Sydney. Murray Rose reçoit la Médaille du Centenaire en 2001. Il décède malheureusement le 15 avril 2012 à Sydney des suites d’une leucémie. Il s’était pourtant bien remis à la Natation malgré son âge avancé, suivant des stages de son amie Shane Gould notamment. Mais il ne pourra prendre le départ de son dernier « Malabar Swim », une course de traversée en mer qui lui était si chère dont les bénéfices allaient à une organisation donnant des leçons de natation aux enfants handicapés physiques et mentaux. Car Murray Rose n’était pas seulement le Roi de la Natation de son époque mais il était devenu aussi le Roi du Cœur pour ses contemporains ! La Classe Australienne comme dirait l’autre 😉