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Jean Boiteux et son Papa

Un milieu familial sportif

Quasiment tout prédestinait le jeune Jean Boiteux à devenir nageur de haut niveau. Il est né à la Ciotat le 20 Juin 1933 dans le Sud de la France d’un père, Gaston qui était nageur de fond, spécialiste des traversées en eau libre ayant atteint un niveau national et d’une mère, Bibienne Pellegry, ancienne nageuse deux fois finaliste olympiques avec le relais 4x100m Féminin, à Paris en 1924 et à Amsterdam en 1928. Jean a également un oncle, Salvator Pellegry qui a disputé les JO de Paris en 1924 sur les 400m et 1500m NL. Le père Gaston était exploitant d’une propriété agricole près de la Ciotat où il élabora un bassin de retenue pour les eaux d’arrosage de 7m sur 25m de longueur, mais quel hasard ! Jean Boiteux, ses frères Henri et Robert ainsi que sa soeur Marie Thérèse connurent là leur premier bassin de nage. Ils se mirent rapidement à la compétition, Jean était de loin le plus doué au point qu’il quitte dès l’âge de 14 ans le domicile familial pour pousuivre ses études à Toulouse mais surtout pour nager au sein du club des Dauphins du TOEC, le meilleur club français à cette époque où il croisera son nouvel entraîneur Alban Minville mais aussi son idole recordman du monde du 200m NL : Alex Jany.

Début de la notoriété

C’est en compagnie de ce même idole et d’Alfred Nakache que Jean Boiteux décrocha deux ans plus tard, en 1949, son premier titre de champion de France sur le relais 3x100m 3 nages (la nage Papillon n’éxistait pas encore officiellement). Victime par la suite d’une mauvaise chute en ski, il doit provisoirement nager en ne se servant que de ses bras, ce qui renforcera sa puissance musculaire. Jean poursuit son ascension au point de battre Alex Jany sur les 400 et 1500m aux Championnats de France en 1950, décrochant ses deux premiers titres nationaux individuels par la même occasion. Mais quelques semaines plus tard, Alex Jany tiendra sa revanche aux Championnats d’Europe à Vienne en Autriche. Il bat Jean sur ces deux même distances. Jean Boiteux se contentera tout de même de deux médailles d’argent continentales sans compter une autre en argent également sur le relais 4x200m NL ! Mais il considèrera cela comme des contre-performances et se remis très sérieusement à l’entrainement à son retour à Toulouse.

Sa persistance finit par payer vu qu’en juillet 1951, Jean Boiteux bat le record d’Europe du 400m NL en 4’33’’3 et en août, avec le relais 4x200m NL en compagnie de Joseph Bernardo, Willy Blioch et d’Alex Jany, ils battent le record du monde de l’épreuve détenu jusqu’alors par l’équipe japonnaise des Hironoshin Furuhashi et Shiro Hashizume entre autres ! Sans compter qu’il s’impose sur les 400m et 1500m NL lors des Jeux Méditérranéens la même année.

L’apothéose des JO d’Helsinki

Helsinki et les JO de 1952 arrivent à un bon moment. Jean Boiteux fait parti des favoris des 400 et 1500m NL. Mais c’est avec le relais 4x200m NL qu’il débute la compétition. Avec ses compatriotes Aldo Eminente, Joseph Bernardo et Alex Jany, il décroche la médaille de bronze derrière les Américains et les Japonais. Jean dira plus tard que ce relais lui mis l’eau à la bouche pour la suite des jeux. Ses principaux adversaires sur le 400m NL sont le Japonais Furuhashi et surtout le Suédois Per-Olof Östrand qui s’autodéclarera non sans arrogance avant ces Olympiades que ce sera lui LE champion olympique du 400m NL. L’entraîneur Alban Minville avança à Jean Boiteux qu’il faudra battre Östrand dès les demi-finales, histoire de lui remboîter le pas. Chose qu’il fera parfaitement, remettant les choses en place pour le Suédois. Et en finale, ce n’est ni contre Furuhashi ni contre Östrand qu’il se retrouvera en duel mais face à l’Américain d’origine Hawaïenne Ford Konno. La stratégie de la course avait été méticuleusement préparée par Alban Minville. Jean Boiteux imprime un train élevé et continu, tournant à moins d’1’10 sur chacun de ses 100 mètres. Il parvient ainsi à éviter le retour de ses concurrents et s’impose en 4’30 »7 !!! Jean Boiteux est champion olympique du 400m NL !!! Mais qui voit-on sauter dans le bassin pour le rejoindre ?!? Tous les spectateurs même les journalistes du monde entier se demandent qui est ce monsieur se jetant à l’eau habillé avec son béret. Il s’agit ni plus ni moins que le père de Jean, Gaston Boiteux qui avait fait le pari avec un photographe de féliciter son fils dans l’eau au cas où il gagnerait !

Scène tellement mémorable qu’un des sponsors de la compétition, Coca-Cola demandera même à utiliser cette scène dans un spot publicitaire plus tard !

A seulement 19 ans, Jean Boiteux réalise ce que ses ainés, Jean Taris ou Alex Jany ont manqué de faire. Charles Devendeville fut le premier nageur Français champion olympique une cinquantaine d’années plus tôt aux JO de Paris en 1900, mais il s’agissait d’une épreuve en eau libre, le 60m sous l’eau qui n’existait que pour l’occasion. Là, Jean Boiteux remporte une épreuve en bassin qui existe encore de nos jours, c’est peu de le dire !

Suite à cette glorieuse victoire, dès le lendemain, Jean manqua de très peu de se qualifier pour la finale du 1500m NL, n’obtenant que le neuvième temps des demi-finales. Chose qu’il aura du mal à accepter, vu qu’il s’était préparé davantages, selon ses dires, au 1500m qu’au 400m NL. Face à ce dégoût, son compatriote Joseph Bernardo, qui lui était qualifié pour la finale, lui proposa de lui céder sa place, ce que Jean refusa. Ce 1500m NL qui sera finalement remporté par l’Américain Ford Konno, qui engrenga une 3ème médaille rien qu’au cours de cette olympiade.

Mais il est temps de goûter à la consécration pour Jean Boiteux. Il est accueilli en héros en France de son retour de Finlande. “Jour de Gloire” titre le quotidien l’Equipe qui le consacrera Champion des Champions de l’année. Jean est également invité à l’Elysée par le Président Vincent Auriol.

Le retour de la médaille

A la suite de cette apothéose, Jean prit du recul vis à vis de la Natation en optant pour une année sabbatique où il effectue son service militaire en Algérie. Il se marie avec une femme qui est d’ailleurs elle aussi nageuse, se fâche avec son père et quitte le TOEC, le club de Toulouse pour le club de la Grande Marine Oranaise en Algérie. Tous ces contretemps ne l’aidant pas à revenir à son meilleur niveau et c’est sans compter qu’à cette période, les meilleurs nageurs mondiaux nagent de plus en plus de kilomètres avec des entraînements beaucoup plus rigoureux. Jean Boiteux tente son comeback lors de l’Euro 1954 à Turin mais ne remporte qu’une médaille d’argent sur le relais 4x200m NL, battu par les Hongrois et rentre bredouille côté individuel. Il termine seulement 5ème du 400m NL à plus de 2 secondes du podium et 4 de la victoire. Mais Jean se refait peu à peu en remportant tout de même quelques titres de champion de France et les 400m et 1500m NL aux Jeux Méditérranéens à Barcelone en 1955. Les Championnats de France 1956 qui suivent sont un tour de chauffe avant les JO de Melbourne qui se déroulent en décembre. La Piscine des Tourelles à Paris a été rénové pour l’occasion et rebasptisée en l’honneur d’un ancien copain de club de Jean au TOEC, Georges Vallerey, décédé prématurément d’une maladie deux ans plus tôt. Jean Boiteux remporte un triplé 200m/400m/1500m en battant au passage le record d’Europe du 1500m ! Mais arrivé à Melbourne pour les Jeux Olympiques, il constate à ses dépends le changement radical de visage de la Natation Mondiale avec notamment les Australiens qui sont à un niveau nettement supérieur. Il ne passe même pas les séries du 400m NL, épreuve dont il était pourtant tenant du titre, remporté cette fois-ci par l’Australien Murray Rose, qui pulvérise le record du monde et aussi le record olympique détenue jusque-là par Jean Boiteux. Jean est toutefois le seul européen qui se qualifie pour la finale du 1500m NL mais ne termine que 6ème et voit de nouveau Murray Rose remporter le titre.

Jean remportera tant bien que mal encore quelques titres de Champion de France mais avec des temps de plus en plus éloignés du meilleur niveau mondial. Il participe à sa dernière Olympiade à Rome en 1960, théatre du grand fiasco de la Natation Française. Il n’est aligné sur le relais 4x200m NL qui manque de se qualifier pour la finale. Jean Boiteux prend sa retraite sportive à seulement 28 ans après avoir accroché une dernière médaille de bronze lors des Championnats de France en 1961 sur le 200m Papillon, épreuve qui n’avait alors jamais été sa spécialité.

Pour la postérité

Mais ce n’est pas que sa carrière sportive s’arrête qu’il s’éloigne pour autant des bassins. Bien au contraire, Jean y demeurera tout au long de sa vie. En tant que meilleur ambassadeur de la Natation Française, il commence par être Conseiller Technique Régional à Bordeaux, entraîneur aux Girondins pendant près de 40 ans avant de devenir président de la section Natation en 1998. Jean Boiteux garda toujours un oeil vif et passionné pour son sport n’hésitant pas à reenfiler le maillot de bain pour les besoins de son club des Girondins de Bordeaux en cas de désistement lors des Interclubs ! Il est intégré aux Panthéon de la Natation Mondiale, l’International Swimming Hall Of Fame en 1982. Jean Boiteux sera le seul Champion Olympique Français de Natation en Bassin 52 années durant jusqu’au sacre de Laure Manaudou sur le 400m NL aux JO d’Athènes en 2004. Mais le 11 avril 2010, accident mortel pour Jean Boiteux, alors qu’il jardinait chez lui, il chute d’une échelle lorsqu’il coupait des branches en haut d’un arbre. De nombreux hommages lui sont rendus. Jean est inhumé au Cimetière Sainte Croix à La Ciotat.

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